Fatim, une amie est à Korhogo pour les vacances… Correspondante pour le blog, elle laisse libre cours à son sens du partage, et nous conte sa ville.
Fatim
« Le car qui me mène à Korhogo s’enfonce dans le Nord. D’ici quelques heures nous atteindrons Napié, petit village frontalier de Korhogo. Pour la énième fois, mes yeux s’éblouissent devant le spectacle que m’offre la savane, comme si c’était la première fois. il y’a ce ciel infini, constamment dégagé, dont le bleu célèbre l’évasion de l’esprit. Ici, nul nuage n’empêche le soleil d’éclabousser de sa lumière les couleurs de la savane : les nombreux contrastes de vert des herbes et des arbres qui épousent joyeusement le gris des cimes, le rouge de la terre qui défie les innombrables couleurs des fleurs. Et puis il y’a ce qu’en dix ans Abidjan n’a jamais su m’offrir : cette pureté dans l’air qu’on respire, cette odeur apaisante de l’herbe fraiche, des petits papillons blancs qui volent et des canaris qui chantent. Le car arrive trop vite à la gare de Korhogo. Beaucoup de formalités à remplir, mon père qui vient me chercher, la joie de retrouver la famille. Après une semaine de glandage, je me décide à sortir de la maison. Le centre culturel me parait l’endroit idéal pour me distraire. Pour sur, j’y retrouverai mes amis d’enfance, il y’aura forcément un match de basket ou de foot ; et avec un peu de chance, je pourrai assister à une répétition de théâtre ou de danse. Arrivée devant la façade du centre, je m’attarde devant les fresques qui recouvrent les murs de l’extérieur et de l’intérieur. Je les interroge du regard et elles me parlent. Elles racontent l’Histoire des Sénoufos et de la Côte d’Ivoire.
Elles s’extasient devant la dextérité du danseur boloÏ, l’homme panthère. Avec solennité, elles m’expliquent le rite iniatique du poro. Elles me parlent du joueur de kora dont la musique fait écho à la voix des ancêtres. Elles me font les éloges de la femme sénoufo : laboureuse acharnée, commerçante avertie et cuisinière aguerrie. Nous nous extasions ensemble devant le tisserand sous les doigts habiles duquel naitra le pagne sénoufo. Elles me présentent les masques gardiens de la tradition. Elles s’attristent du déchirement qu’ont connus les fils de la nation et sourient de les voir sur le chemin de la paix. Elles se soucient de cette jeunesse à la recherche de son identité entre traditions et modernité. Mes amis sont heureux de me retrouver. Déjà, nous prévoyons une sortie à la montagne dans les jours à venir.
Le quartier petit Paris
Ah la montagne de Korhogo ! Si elle pouvait parler elle aussi, elle en aurait de belles à nous raconter. Des couples y ont célébré une lune de miel précoce (pas forcément pendant la nuit). Dans le petit pré du quartier résidentiel qu’elle supplante, des enfants ont joué à cache cache, des amours se sont faits et défaits, des amis se sont rencontrés et se sont battus (très souvent à cause d’une fille ou d’un garçon). Le lendemain je dois me rendre au grand marché de Korhogo situé au centre ville. Là bas, je pourrai m’acheter du beurre de karité pour sublimer ma peau et mes cheveux ; et aussi des boubous sénoufos cousus dans le pagne. J’emprunte une moto-taxi, seul moyen de transport en commun depuis la crise de 2002. Les taxis voiture ont tous disparus de la circulation, et l’absence des autorités douanières aux frontières du Mali et du Burkina a entrainé une explosion de l’importation et de la commercialisation des motos. Tout le monde pouvait s’offrir une moto à moindre cout, et les plus malins l’ont utilisé pour gagner leur vie. «Korhogo est devenu Petit Burkina ! » plaisantent les korhogolais.
Le marché
Pendant que je me promène dans le marché, j’observe les gens qui m’entourent. Pour tous ceux qui comme moi se demandent pourquoi les nordistes ont la peau aussi foncée, j’ai élaboré une théorie : à Korhogo, le bain de soleil (avec un soupçon de poussière) est obligatoire pour tout le monde, et quasiment tous les jours de l’année. Après il suffit d’entretenir le bronzage avec du beurre de karité pour obtenir une peau couleur d’ébène. EN parlant de soleil, le temps est idéal pour aller à la piscine. Je choisis de me rendre à l’hôtel « le Mont Korhogo ». Il a la plus grande piscine de la ville, et on y sert des cocktails absolument délicieux. En plus, j’adore le décor boisé du salon d’accueil avec ses masques et ses figurines ; et puis le jardin est tellement reposant ! J’appelle mon amie Sali qui habite le quartier Petit Paris pour qu’elle se joigne à moi. Une demi-heure plus tard, nous nous prélassons au bord de la piscine. Ce soir là, nous apercevons Alpha Blondy et Alain De Marie qui y séjournent à l’occasion du concerto de la caravane de la paix auquel ils participent avec d’autres artistes, et qui se tiendra le lendemain soir.
Le Mont Korhogo.
A mon retour, j’emprunte le chemin qui passe devant la maison du préfet. C’est un grand détour si on veut se rendre au quartier résidentiel ou j’habite. Mais sur ce chemin, de grands arbres aux troncs fins, en file indienne de chaque coté de la route, font une révérence majestueuse aux passants. Je saluerai au passage le grand baobab qui se dresse fièrement devant la maison du préfet. La nuit, j’aime observer le ciel depuis le balcon de notre maison. Là encore, Korhogo me gratifie d’un instant qu’Abidjan aurait du mal à m’offrir : un clair de lune tout simplement magnifique, avec des constellations d’étoiles qui brillent comme des diamants. Lorsque je ferme les yeux, je peux sentir l’air frais du soir caresser chacune de mes pores. J’en profite pour remplir mes poumons d’oxygène. Dans ces moments je me dis que c’est dommage que je doive retourner à Abidjan dans quelques semaines. Mais ce n’est pas bien grave, puisque partout ou j’irais, j’emporterais Korhogo avec moi au fond du cœur. »