Sembène Ousmane
Je n’irai pas jusqu’à dire que l’adaptation au cinéma d’une œuvre littéraire constitue l’aboutissement de celle-ci. Pour ce qui est de vivre pleinement l’histoire, le film nous laisse toujours sur notre faim. Une belle histoire pour être vécue, doit être lue, c’est-à-dire pensée, imaginée, ressentie. A force d’entretenir cette alchimie de l’esprit pendant des jours, on finit par créer inévitablement un lien affectif entre les personnages et nous. Dans de telles conditions, nos émotions ne peuvent que s’épanouir. Les mots, ce sont des émotions à l’état pur. On peut les dessiner selon notre « folie ». Quand la même histoire arrive au cinéma, elle dure 1h30mn ou 3h maximum. Les choses passent vite, les évènements sont résumés ; et l’amour ou le désespoir d’un personnage sera moins palpable en images.
Mais j’avoue qu’il y’a quelque chose d’achevé et de jouissif dans le fait de pouvoir mettre une voix et un visage sur les personnages qui nous ont marqué. Et puis entre nous, dans un monde où on est tout le temps pressé, qu’est-ce qu’on a à s’emmerder avec une histoire pendant trois jours, si on peut la vivre en trois heures, Franchement ! Alors disons que l’adaptation au cinéma de l’œuvre littéraire est un point final qui lui va plutôt bien. Quant à savoir si le rendu satisfait, l’expérience nous montre que généralement, oui. L’exemple de « harry potter » de Rowling, « Le seigneur des anneaux » de Tolkien, « Twilight » de Meyers,ou encore « les misérables de Hugo »est frappant. Mais, et en Afrique ? L’adaptation d’œuvres littéraires en film ou même en séries (creusons plus profond…) est-elle de mise ? Est elle aussi efficace ? Certains lecteurs envisagent déjà une réponse négative…
Le film culte XALA
On ne leur en tiendra pas rigueur quand on sait que le cinéma africain peine à susciter l’émoi chez les téléspectateurs africains. Il faudrait déjà que ce problème n’en soit plus un, pour que la question de l’efficacité du mariage « littérature-cinéma » africain, appelle étude. Pour le moment, l’état des choses autorise à affirmer que l’exercice n’est que timidement de mise. Petite précision, au cas où un réalisateur susceptible lirait: Par efficacité, n’est aucunement pointé du doigt, le travail d’adaptation, mais plutôt le succès auprès du public.  L’histoire du cinéma africain nous rassure en effet, quant à la question de l’adaptation d’oeuvres littéraires africaines. Il y en a eu. Et mieux ça ne date pas d’aujourd’hui.
L’écrivain et cinéaste, Sembène Ousmane s’est illustré dans cette pratique. Il a d’ailleurs créé un précédent dans l’univers cinématographique africain, en adaptant ses propres romans, notamment « la noire de… ». Le père du cinéma- comme on le nomme, à juste titre d’ailleurs- a remis ça avec « Xala », que je prends le risque de penser qu’au moins le quart des lecteurs a déjà vu (sinon, faites vous plaisir). Après lui, d’autres auteurs ont tenté l’expérience avec brio: « Le silence de la forêt » de Bassek Ba, « Le prix du pardon » de Mansour Sora Wade, « Ramata » de Alain Léandre Baker, « l’aventure ambigüe » de Cheikh Hamidou Kane, avec le record d’une quadruple adaptation…
L’enfant noir de Camara Laye
J’aimerais m’arrêter sur un film qui entre dans la catégorie citée ci-dessus. Il s’agit de « L’enfant noir » de Camara Laye réalisée par Laurent Chevallier en 1995. J’en garde un souvenir encore plus « foncé » que celui de « Xala ». J’étais petite mais j’avais la capacité de l’émotion. Aujourd’hui j’ai la capacité de l’interprétation, et je m’incline fort bas sur la prestation de chaque acteurs, la franchise et le naturel dans chaque scène, l’humour, la tristesse, la révolte, le bonheur, bien ressentis. C’est grâce à ce film que j’ai compris le sens du mot « TOUBABOU »… Bref! Les mots des auteurs africains, en images, ont été exaltés par les cinéastes.
Comme Sembène (nous revenons à cet incontournable), d’autres auteurs tels que Tsitsi Dangarembga et Assia Djebar ont travaillé dans les deux domaines d’expression artistique (cinéma et littérature) avec pour objectif d’atteindre un public plus large. En écrivant, je me suis demandée si l’exercice inverse avait déjà été réalisé, tout au moins envisagé. Y a t-il déjà eu l’adaptation d’un film en roman? Je m’étais sentie géniale, d’y avoir pensé, imaginant être la première. Et tout de suite après, atterrissage… Recherche… Sembène Ousmane! Encore lui. Il y avait  pensé, il l’a même fait: « Gelwaar » en 1992.
Avec tous ces précédents cinématographiques, qu’en est-il dans le cinéma contemporain?Mon observation est que le terrain n’est pas assez exploité. Déjà, adapter, ne signifie pas que vous êtes limités quant à votre imagination (je tenais à le souligner). Au contraire… Il est encore plus difficile d’illustrer des mots, surtout quand il ne sont pas les vôtres, de rendre les images, fidèles à l’esprit du livre… Et il y a tant d’oeuvres africaines dont on saluerait la consécration à l’écran. Personnellement, je ne me ferais pas prier pour aller voir « Allah n’est pas obligé » de Ahmadou Kourouma, au cinéma.
Ah! Je ne veux pas commettre l’erreur de boucler cette article, sans évoquer des adaptations contemporaines très bien connues: Celles de livres de la collection « Adoras »… « Le pari de l’amour » et cache-cache d’amour, qui m’ont rappelée les télénovélas brésiliennes…L’adaptation était fidèle!

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