Ali, à la recherche de son « fameux » Gros lot.
Dans le cadre de sa programmation spéciale pour le mois d’Août, baptisée « Mois du cinéma africain », la chaîne nationale ivoirienne, RTI diffuse chaque samedi dès 10 heures du matin, un film africain. Quoique j’aie noté cette initiative depuis le mois de juillet, je constate qu’il y a à présent un souci d’en faire une réelle publicité. En effet, très peu savait jusqu’à ce jour qu’était diffusé des réalisations cinématographiques africaines en général et ivoiriennes en particulier sur » la chaîne une » chaque samedi matin.
Depuis quelques semaines- malheureusement- il m’est difficile de pouvoir les regarder. Un emploi du temps contraignant… Mais ce mercredi 13 aout j’ai eu de la chance. Une insomnie et résignée face à la résistance du sommeil, je décidai de faire du zapping. On passait WARIKO, LE GROS LOT. J’arrivais juste au début. Les images ont l’air d’être sorties d’archives et ça a son charme. En plus, normal, le film date de 1994. Allez! Je snobe le sommeil. On va se faire ce film.
Un résumé du film:
Ali, jeune fonctionnaire de police, vit paisiblement avec sa modeste famille dans un quartier périphérique d’une grande ville africaine, avec une épouse courageuse, Awa, qui l’aide à joindre les deux bouts grâce à son commerce de pagnes. Pour une question de monnaie, Awa est obligée de prendre un billet de loterie, qu’elle confie à son époux. La radio annonce le résultat du tirage : Ali et sa femme ont gagné le gros lot : 3 millions. C’est la grande joie dans la famille qui se voit déjà sortie du cercle des pauvres et aussi au village où l’on espère tirer profit de la manne. Hélas, au moment de toucher les millions, le billet a disparu ! Ironie du sort, malédiction des ancêtres qui se sentent quelque peu oubliés par ces citadins trop absorbés par leurs problèmes quotidiens ou simplement vol du billet ? De la fouille systématique de toutes les pièces de la maison à la consultation des devins, tout est mis en œuvre pour retrouver ce billet providentiel qui fait déjà rêver tous les membres de la famille. La sérénité apparente dans laquelle vivait Ali est perturbée à la perspective de ce gain fabuleux qui le rend irritable, incapable de se maîtriser, au grand désespoir de tous les autres…
Fadika Kramo Lanciné a écrit, monté, et réalisé WARIKO. Il a été soutenu financièrement par l’Organisation internationale de la Francophonie. Mon regard d’amateur ? Ce film est parfait. Je suis même surprise qu’il ne soit pas culte à l’image de BAL POUSSIERE. L’histoire est de celle qu’on imaginerait facilement, mais habillée, ornée comme elle l’a été par le réalisateur, c’est une toute autre histoire. Ali qui court après « son argent », Ali qui avant d’en avoir connaissance ne semblait avoir aucun problème, Ali qui perd patience, qui s’énerve… A chacune de ses fouilles, on a l’impression que c’est la dernière, qu’il trouvera le billet gagnant. On est déçu avec lui, et tout d’un coup on reprend espoir. « Pourquoi pas là ? » Mais rien, pas de billet. Et pourtant au village, on n’en a cure de ces problèmes d’intellectuel. On sait juste qu’Ali a gagné 3 millions. Les requêtes pleuvent. Ali panique.
Le réalisateur a fait un clin d’oeil à la place des croyances mystiques dans la société africaine. (David Omega de dos)
Moi je n’espère plus. Je vois une fin sordide. Le délai d’annonce du gagnant qui passe, et Ali qui retrouve trop tard son « ticket pour le bonheur ». Cependant, le fonctionnaire de police n’abandonne pas malgré les remarques de son père et de sa femme. Mais je peux comprendre Ali. En regardant sa famille, j’ai murmuré: « Le chef d’une famille africaine typique… » Il héberge sa sœur avec son bébé, son cousin Issa, a trois enfants avec son épouse qui faire du commerce sans grand bénéfice du fait des crédits impayés, et il reçoit la famille du village…
Je ne peux malheureusement pas vous donner la fin de WARIKO. Je ne veux pas. Ce serait vous enlever le plaisir de le regarder. Mais je peux au moins vous dire qu’en dehors de la réalisation, les acteurs ont participé à la réussite de ce film. Et mieux, j’en ai reconnu, qui encore aujourd’hui jouent toujours: David Oméga, Adrienne Koutouan, Gohou Michel, Adama Dolo, Akissi Delta, Nastou Traoré, Losseni Traoré, Fargass Assandé.
WARIKO, c’est du drame et de la comédie, parfois du cynisme. Le sujet abordé est sérieux: L’argent. Les questions de la dévaluation, la corruption, et de la rupture sociale sont très présentes. Le village court après la ville ne se doutant pas que les problèmes y sont plus grands. Le plus ironique avec ce film, c’est qu’il est très actuel. Et même s’il se moque des soucis humains, il les traite avec profondeur tout le long des 95 minutes qu’il dure. Chapeau à Allasane traoré et Abiba Kaboré qui ont savamment interprété leur rôle de couple face aux difficultés de la vie. Ils ont porté le film sur leur dos.
Fadika Kramo
Le cinéma il y a 20 ans c’était donc ça. Eh bien il me manque… Quoique les responsables de cette fracture artistique ne sont sûrement pas les cinéastes ou les acteurs. Je pense pour ma part qu’il y a une absence de volonté politique de soutenir le septième art. Et si on nous dit qu’il y en a, on ne fait pas beaucoup pour le prouver. Aujourd’hui, tout le monde se dit acteur pour avoir joué dans une série télé avec un scénario décousu et une trame incompréhensible. C’est à croire que tout se fait dans l’improvisation. Plus haut j’ai tenu à mentionner l’apport de l’OIF. C’est un élément important qui a à coup sûr aidé la réalisation de WARIKO. Il faut maintenant un encadrement de l’environnement cinématographique.
Il y a de vrais acteurs, des scénaristes talentueux, des réalisateurs de poids. Des réalisations de qualité porteraient loin la Côte d’Ivoire et même l’Afrique. On l’a vu avec des séries comme « Ma famille » de Akissi Delta, ou « Nafi » de Djuedjuessi. Retrouvons notre cinéma!