Le Chef du village convoque Djinan et sa famille. L’affaire est grave.
Le synopsis décrit une situation classique :
Djinan se réjouit d’une nouvelle. Le roi veut épouser sa fille. Il s’affiche dès lors comme « Le futur gendre du Roi ». Il s’en vante même. Mais Djinan déchante lorsque sa fille Djinan Nan l’informe de son refus de s’unir au Roi. Elle aime un jeune artiste du village. Colère et panique, « Le futur gendre du Roi » entreprend des démarches farfelues afin de se sortir du pétrin car le Roi compte bien lui faire payer le déshonneur que sa fille lui a causé. Le village est alerté et c’est le moment de trouver une solution au sein de la communauté.
La pièce a été écrite par Christian Gueï, diplômé de l’ISTC et de l’INSAAC à Abidjan. Passionné de théâtre il souhaite ressusciter l’intérêt pour le genre en Côte d’Ivoire. « La Rage du Roi » est donc le premier pas de cette entreprise qui doit aboutir à un espace exclusivement dédié aux représentations théâtrales.
Le bras droit du Roi (en rouge) nourrit de sombres projets pour Djinan
L’avant première a eu lieu le samedi 1er octobre à la salle Bitty Moro de L’Insaac avec l’appui de la Fondation Voodoo et le parrainage artistique de Mahoula Kané, artiste comédien ivoirien.
Je suis arrivée trente minutes avant l’heure prévue, à 14H30 donc. Personne n’aime regarder un spectacle en étant au fond de la salle. Il me fallait un siège au premier rang idéalement.
16H. Après les allocutions, extinctions des lumières de la salle, pleine projection sur la scène. Un homme vêtu d’un kodjo* blanc arrive avec une chaîse. Barbe désordonnée et gros livre en main, il a des airs de philosophe fou. L’homme rit aux éclats et se lance dans un monologue, un très long monologue dans lequel on n’arrive pas forcément à tout comprendre. Il y a quelques phrases drôles mais je perds un peu patience. Il se retire enfin. L’histoire peut commencer.
Je ne vais pas tout vous raconter. Juste répondre à cette question : Pourquoi j’irai revoir « La Rage du Roi » ?
Honte et frustration rongent Djinan.
Parce que c’est drôle et que la plupart des situations s’inscrivent parfaitement dans le contexte actuel de notre société. Les personnages de Djinan, de Cocoti l’efféminé, des ivrognes sont super amusants et crédibles. La scène que j’ai particulièrement appréciée est la convocation du chef du village pour discuter de la solution à trouver face au courroux du Roi. C’était l’hilarité totale dans la salle la plupart du temps. Chaque intervention est simple mais toujours drôle. Il y a de la repartie et de la franchise. C’est du théâtre humble et efficace. Rien de pompeux, rien de prétentieux ! Pas le genre qui accumulerait les monologues avec de grandes phrases qu’il faut décoder. Cette pièce est de celles -je le pense- qui permettront au théâtre de se rapprocher de la population. On a droit à un happy end comme on les aime, même si j’aurais préféré que l’on sorte des sentiers battus avec quelques chose de moins prévisible…
Un happy end qui aurait pu être moins bâclée, mais la morale reste profonde.
J’espère vraiment revoir « La Rage du Roi » avec des amis, qu’on puisse la commenter et en rire plusieurs jours après, rire des personnages qui au fil de la représentation, prenaient des figures d’icônes.
Révisez vos classiques de la littérature noire
Vous reconnaîtrerez peut-être les personnages des œuvres de sept auteurs noirs. Pour cela il faut révisez vos classiques (J’en parlais déjà il y a deux semaines ici). Ses personnages déménagent de leur pièce originelle pour s’installer dans « La Rage du Roi ». Mais bien sûr, il viennent avec leur personnalité. Assalé de Amadou Koné est toujours un ivrogne bavard par exemple. A travers les personnages, Christian Guéï fait un bel hommage à Senghor, Césaire, Seydou Badian, entre autres.
Mention spéciale pour le Casting
La plupart des comédiens sont des lycéens inscrit aux Beaux Arts. Mais La compagnie Nsemi compte aussi des amateurs de théâtre, des passionnés. Le héros de la pièce est joué par un technicien supérieur en Mines et Géologie. La féticheuse est déléguée médicale. D’ailleurs elle joue deux rôles, celui de la grande Royale également. Il y avait en effet certains comédiens qui interprétaient plus d’un rôle. Il a fallu qu’ils le disent en fin de représentation pour que je le remarque. C’est un casting jeune qui prouve que le théâtre est ouvert à toutes les générations.
Un Casting homogène et jeune.
Aucune date n’a été annoncée pour la prochaine représentation. Ce serait génial que la Compagnie Nsemi soit soutenue pour se lancer et faire profiter davantage de personnes de cette pièce.
*Kodjo : Morceau de pagne utilisé comme sous vêtement.