La Nuit des idées, les rencontres internationales des arts numériques (RIANA), le marché des arts du spectacle d’Abidjan (MASA), le Festival de la musique urbaine d’Anoumabo (FEMUA), le Salon international du tourisme d’Abidjan (SITA), l’Emoi du Jazz… Les événements artistiques et culturels se succèdent sans répit à Abidjan. Et c’est sans compter les expositions d’Art, les représentations théâtrales, les rencontres littéraires et les projections de films.
Après la crise post-électorale de 2011, les industries culturelles sortent peu à peu de leur torpeur. Des institutions alors comateuses se réveillent, des cadres se créent, les artistes sont inspirés, le public s’intéresse. On assiste alors à une effervescence des Arts et de la Culture à Abidjan.
Par Orphelie Thalmas
Une diversité de programmes culturels pour une pléthore de cadres
Les communes de Cocody et du Plateau sont les lieux qui reçoivent la grande partie des espaces dédiés à la promotion de l’Art et de la Culture. Des lieux officiels aux cadres underground, il y a du choix.
Cocody centre :
La Galerie d’Art Louisimone Guirandou anciennement appelée « Arts Pluriels », expose depuis 1985. C’est une pionnière à Abidjan. Elle exposait durant le mois de septembre, le peintre Kadarik. Avant lui, Leslie Lumeh du Libéria et Ange Mené Martial de la Côte d’Ivoire exposaient « No borders ». En mars, c’est Ernest Dükü qui présentera Maskarade.
La Galerie est voisine à l’institut Goethe, centre culturel allemand reconnu pour son dynamisme. Il privilégie le théâtre, la danse, et la formation.
A trois feux tricolores de là, il y a l’INSAAC, l’Institut National Supérieur des Arts et de l’Action culturelle, qui forme des étudiants aux Arts visuels et scéniques depuis 1986. Il reçoit également des représentations et expositions dans ses salles de spectacles.
Au bout de la rue en face de l’INSAAC, le BAO Café. Si le service principal y est la restauration et le rafraîchissement, le BAO Café est aussi réputé pour ses soirées musicales If you got soul. Tous les samedis, la scène est underground. Le Reggae, le Rap, et la Soul se relaient le micro dans une ambiance bon enfant. En juillet 2017, s’y déroulaient la première édition du festival LILI WOMEN, pour la promotion des artistes féminines. De fin 2016 à 2017, la Cité des Arts y ouvrait ses expositions afin de mettre sur le devant de la scène, des artistes plasticiens de talent peu connus.
A cinq minutes du BAO, la Galerie Cécile Fakhoury offre de l’Art contemporain. C’est l’une des plus actives à Abidjan. Ses installations rencontrent toujours l’émerveillement des visiteurs, et son chic intimide parfois. En octobre, elle surprenait avec le spectacle de Danse « Ma vie en rose ».
Le Sofitel Hôtel Ivoire présente également des expositions dans son allée. En ce moment c’est une exposition collective et caritative qui est en cours pour la cause de l’enfance.
Cocody, 2 plateaux :
La Fondation Donwahi présente en ce moment « Mutants » du peintre Boris Nzebo. L’exposition vaut le détour. Elle durera jusqu’à janvier 2018. Avant, c’est le sculpteur Jems Koko Bi pour qui la Fondation a aménagé pour la première fois sa cour afin que soit installé les imposantes pièces de sa série « Terre d’origine ».
De la Fondation, il faut rencontrer trois carrefours sur le boulevard Latrille avant d’envisager arpenter la voie non bitumée qui mène à la Fabrique culturelle. Cours de danse, représentation théâtrale, showcase, dédicaces de livres… la fabrique reçoit tout type d’expressions artistiques.
Cocody, Riviéra :
La Galerie Houkami Guyzagn fait partie des plus grandes galeries d’Art à Abidjan avec une salle d’exposition à l’intérieur et une cour expressément aménagée pour exposer des œuvres. Elle dispose d’un café-restaurant, d’un bar, et de résidences pour les artistes. Houkami Guyzagn organise aussi depuis quelques années, les Guyzagn, un concours national destiné aux artistes plasticiens.
Sa décoration d’intérieur fait sa renommée à Abidjan. Le Bushman café reçoit tous les Arts, du Cinéma, à la littérature, en passant par la musique et les Arts plastiques ou les expositions-ventes d’artisans. Le cadre est une œuvre d’Art en lui-même. Il a d’ailleurs reçu le tournage de différents clips vidéo.
Le plateau :
La Rotonde des Arts située au sein de la galerie commerciale Nour Al Hayat, permet à ses visiteurs de découvrir le patrimoine artistique ivoirien en exposant de façon indéfini ses collections. Elle expose également des artistes précis à l’image du photographe Barnus Sevi Gbekidé dont les œuvres sont actuellement à la une.
A deux intersections de la Rotonde, L’Institut Français, avec sa grande salle de spectacle et son hall, propose un programme bien défini et riche en diversités. Des projections de films, des expositions d’Arts, des spectacles de danse, et des concerts, s’y tiennent régulièrement.
La Bibliothèque nationale, elle se trouve à l’autre bout du Plateau, sur la rue de la cité administrative. Imposante et belle, elle recevait en juillet 2017, les concours d’Arts plastiques et de nouvelles des Jeux de la Francophonie. Le Musée des civilisations, rénové début 2017, est sa voisine directe. Là-bas vous pourrez en savoir davantage sur l’histoire du peuple ivoirien, sur ses peuples, et leurs pratiques.
Et encore…
A Treichville, il y a le Palais de la Culture Bernard Binlin Dadié. C’est le hub de quasiment tous les événements culturels de la ville. Disposant d’une esplanade, de plusieurs salles, il reçoit la plupart des concerts et festivals. Au centre de Treichville, à l’Arras 1, une modeste bâtisse bleue fait office de bibliothèque depuis dix années. Il s’agit du Romandome de Sidney Karams.
A Marcory en Zone 4, la galerie Amani dispose d’une collection d’œuvres d’Art à découvrir, l’hôtel Azalaï organise des projections de films africains, et le Centre Artisanal de la Ville d’Abidjan (CAVA) abrite une centaine de stands de vente d’œuvre d’Arts et de créations artisanales.
Il y en a encore d’autres ; des lieux propices à l’Art et la Culture, en dehors de ceux énumérés plus haut qui sont en fait les plus visibles ou actifs. Ces endroits sont le réceptacle d’initiatives publiques ou privées qui se sont davantage développées ces cinq dernières années.
Une programmation culturelle riche pour un public encore timide
A Abidjan, l’offre dépasse encore la demande en matière d’Art et de Culture. Si le public est plus prompt à consommer les spectacles urbains comme les concerts de Coupé décalé ou de Zouglou, deux genres musicaux très rythmés, tendance, et typiquement ivoiriens, l’enthousiasme est moindre vis-à-vis des autres activités dites « puristes ».
Sensibiliser
En réalité, la communication manque. L’information d’une rencontre littéraire, d’une exposition, ou d’une représentation théâtrale circule généralement à l’intérieur d’un réseau de professionnels et d’amateurs. Et bien que de plus en plus, les réseaux sociaux, webzine, et blogs facilitent la diffusion, il y a une vraie distance entre le public et la scène culturelle. Peut-être faudrait-il que les médias classiques donnent davantage d’espaces à ce type d’activités à l’image de l’émission « Rega’art » programmée sur la chaîne nationale, mais programmée le dimanche nuit et présentée de façon trop descriptive et formelle, ce qui ne fait qu’amplifier la réputation erronée qu’on attribue à la Culture.
En outre, il y a un travail de sensibilisation qui s’impose. L’Art et la Culture demeurent, dans les esprits, des domaines réservés à une élite. Victime de préjugés, Ils paraissent inaccessibles, soit chers, soit destinés à un cercle restreint. Mais la plupart du temps, c’est tout le contraire. L’accès aux expositions est gratuit dans toutes les galeries. Pareil pour des rencontres littéraires telles que « Abidjan Lit » ou « Livresque ». Et quand il y a un coût, il est compris entre 1000 Francs CFA et 10.000 Francs. Certains spectacles exceptionnels vont jusqu’à 15.000 Francs.
Décentraliser
Mais les artistes ont compris les complexes qui freinent leur potentiel public. Le collectif « Au nom du Slam » performe dans la rue pour faire connaître son art et attirer un nouveau public. Les peintres réalisent des œuvres murales en extérieur, et des danseurs se lâchent sur la rue de Cocody Mermoz pendant le festival Afrikan Urban Art.
A Abidjan, de plus en plus de festivals culturels initiés ou soutenus par le Ministère de la Culture mettent la lumière sur le creuset de talents présents en Côte d’Ivoire. C’est le cas du Marché des Arts du Spectacles Africains (MASA) annoncé pour le 10 mars 2017 ou des jeux de la Francophonie reçus par le pays au mois de juillet 2017. Ces festivals ont le mérite de créer la proximité de la population avec la Culture. Ils ont l’avantage de connaître une plus grande médiatisation et dès lors de créer la brèche qui emmènera un plus grand public à s’intéresser spontanément à l’Art et la Culture.
Enfin, la concentration des espaces les plus actifs et équipés, dans deux communes, Cocody et le Plateau, limite la curiosité de la population. Il serait temps d’envisager une décentralisation afin que le dynamisme artistique et culturel se ressente partout dans les dix communes d’Abidjan, et au-delà dans les villes de l’intérieur.