Ce lundi 24 septembre à la surprise générale, le célèbre chanteur reggae a claqué la porte du Conseil d’Administration du Bureau ivoirien des droits d’auteur (Burida) dont il était membre. Kajeem a accepté de nous répondre en exclusivité sur les raisons de ce départ qui n’a manifestement pas fini de livrer tous ses secrets… Lisez… entre les lignes.
Propos recueillis par Aaron Leslie
Comme raisons de votre démission surprise ce lundi 24 septembre de votre poste d’administrateur du Burida, vous évoquez, entre autres, des intérêts partisans qui auraient pris le pas sur l’intérêt général, de la médisance, des tentatives d’intimidation, de la mauvaise gouvernance… Qu’est-ce à dire ?
A un moment donné, il faut décrire les choses pas leurs noms ! Il y a un environnement malsain et pernicieux qui s’est créé au sein du Conseil d’Administration. Tous les membres du Burida savent par exemple que pendant qu’on est conseil d’administration, des gens dehors écoutent nos délibérations ! Parce ce qu’il y a certains membres de ce Conseil qui ouvrent délibérément leurs téléphones pour nous mettre sur écoute à des gens dehors ! Les membres du conseil sont tenus au secret, je rappelle. Mais ces gens-là violent les secrets et donc tout le monde dehors a le loisir d’écouter ce qui se dit dans la salle ! Pour moi, rien que ça, on met tout le monde en danger ! Avec les tentatives d’intimidations qui s’ensuivaient, je n’avais plus donc ce sentiment de sécurité pour continuer au Conseil d’Administration.
Comment avez-vous su qu’il y avait une telle pratique ?
Quand vous sortez d’un Conseil d’Administration et que et des gens dehors vous appelle pour dire : « C’est toi qui dit ceci cela… », Voilà ! Et au Burida actuellement, je peux vous dire que c’est n’importe quoi ! Ce que nous vivons actuellement, c’est une énorme machination ! Des membres du personnel, des agents, chacun a des documents confidentiels ! Je suis un fan de foot. Et on dit souvent au foot qu’il faut préserver les secrets du vestiaire. Ce n’est pas le cas chez nous au Burida ! A partir de là, j’ai commencé à réfléchir à ma démission. Je pense que j’ai pris la fonction que j’avais là-bas trop au sérieux. Et à un moment donné, je ne pouvais plus rester dans un tel environnement délétère. J’ai entendu même des gens qui ont osé me remettre en cause. Mais dans tout ce qui est en train de se passer, j’ai la conviction que la vérité finira par triompher. . Peut-être que de partir, ça permettra de changer des choses.
Avant ça, avez-vous essayé de dénoncer les choses en interne pour recadrer la situation ?
J’appartiens à la commission de contrôle des comptes dont le président est Olivier Blé. Tout ce qu’on avait à dire, tout ce qu’on avait à dénoncer en tant que commission de contrôle, on les a consignés dans des rapports qui sont versés à la documentation du Burida. Je ne crois pas m’être caché une fois. J’entends que j’aurais dit ceci ou cela. Tous ceux qui me connaissent savent la rigueur dont je fais montre.
Les remous ont commencé par les attaques d’un collectif avec en tête le chanteur Fadal Dey. Il y a des choses pas claires au Conseil d’Administration ?
Je ne peux pas vraiment parler des attaques de Fadal Dey. Il agit au nom d’un collectif d’artistes et, par respect pour ceux-là, je n’ai pas à juger ces attaques. Par contre, ce que je constate, c’est simplement qu’il y a beaucoup d’amalgames et du désordre. Je l’ai même dit à Fadal la dernière qu’on s’est rencontré. Je lui ai dit que quel que soit le problème qu’on a au Burida, Facebook n’est pas l’endroit approprié pour les régler. Nous avons les outils en notre sein pour régler ces problèmes. Fadal a des griefs, d’autres artistes aussi. D’après ce que je sais, il y a des collectifs qui se sont aussi constitué et qui sont en action. Vous voyez, on ne peut plus continuer dans le brouhaha actuel. Ça ne sert pas la maison. Tous ceux qui pensent aux intérêts du Burida doivent faire en sorte que ça s’arrête et qu’on lave le linge sale en famille.
Il y a deux ans pourtant, après la restructuration du Burida, tout semblait aller bien et dans le calme, l’apaisement…
Oui, tout se passait bien jusqu’à présent. Mais je veux dire dans n’importe quelle maison, il y a des embrouilles. Il se peut même qu’il y ait des malversations. Mais toutes ces maisons ont des mécanismes pour gérer cela ! Je le redis : le Burida est doté de mécanises pour gérer toute sortes de crise. C’est au nom de cela que venir porter sur la place publique des choses de notre maison, c’est se mettre inutilement à nu. Après, il ne faut pas se plaindre de l’image négative que les artistes ont. J’avais décidé de ne rien dire après ma démission, ett laisser les instances gérer cela. Je ne veux pas être dans la posture du donneur de leçons. Les espagnols disent que quand quelqu’un se plaint, c’est qu’il a mal quelque part. Tout ce qui se passe, c’est le signe que ça ne va pas très bien. C’est le symbole d’un réel malaise.
Comment qualifiez-vous ce qui ne va pas bien actuellement au Burida ?
Les maux sont nombreux. Au niveau du Burida, il faut qu’il y ait des gens qui pensent moins à leur propre personne qu’à la mission qui leur est confiée. Décider de travailler pour les artistes doit être un sacerdoce. Si on s’engage au Burida dans l’espoir de s’enfuir avec le coffre-fort, ça ne le fera pas ! Il y a beaucoup de plaintes parce que le gâteau à repartir est tout petit. Plus l’assiette de répartition va être grande, plus chacun recevra des sommes plus conséquentes. Mais pour arriver à ça, il faut que tout le monde soit au travail, que tous les maillons de la chaine fonctionnent. Il y a aussi le fait que des gens construisent des maquis, l’équipent à coup de millions, mais refusent de payer les droits des artistes qui, pourtant, est la matière première de leur entreprise ! C’est ça aussi le problème. La piraterie, aujourd’hui, c’est devenu presque banal ! Ça se pratique au vu et au su de tout le monde ! Et comme on dit à Abidjan : « ça ne va pas quelque part » !
Il y a eu l’affaire Pat Saco- Maurice Bandaman à propos d’irrégulières commissions mensuelles que toucherait le ministre de la culture. Aujourd’hui, c’est votre démission qui secoue la maison des artistes sur fond de mal gouvernance, comme vous l’affirmez. On va effectivement croire qu’il y a des magouilles financières là-bas. Non ?
Je ne vois pas le lien de cette affaire avec ma démission. Ce que je sais de l’affaire Pat Saco, c’est qu’il a affirmé des choses dont il n’était pas à même de prouver et qu’ensuite, il est allé présenter ses excuses. Je ne sais pas pourquoi les gens ont autant peur de démissionner ! Je rappelle que ma fonction première, c’est musicien. Je ne suis attaché que par ces choses qui font mon essence artistique. Le reste, c’est des fonctions accessoires. J’étais dans une fonction qui exige un minimum de condition. Si à un moment donné, j’estime que ces conditions ne sont plus réunies, je pars de là ! Nombreux sont les artistes qui m’avaient mandaté parce qu’ils estiment que j’incarne un certain nombre de valeurs et que je saurai être leurs yeux et leurs oreilles. Mais quand je sens que je ne peux plus remplir cette mission dans de bonnes conditions, l’honnêteté veut que je rende ma démission. Voilà !
Quelles sont vos solutions pour sortir définitivement de ces crises à n’en point finir ? Faut-il mettre le Burida sous tutelle de la Sacem comme certains l’évoquent ?
Non, non, non ! Hors de question de mettre le Burida sous tutelle de la Sacem ! C’est une façon de dire que parce qu’il y a des problèmes dans les pays africains, il faut qu’ils soient recolonisés. C’est inacceptable ! Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Les gens ne le savent pas mais le Burida est aujourd’hui la troisième société de droits d’auteurs d’Afrique après l’Afrique du Sud et l’Algérie en termes de résultats, de structuration, de fonctionnement. Autant le dire : depuis près de vingt ans, c’est la première fois que le Burida n’est pas déficitaire. Y a aucune maison où il n’y a pas de problèmes ! Il y a des gens qui ne sont pas contents parce qu’il y a surement, je le dis, certains manquements. Partout il y a des commissions de discipline ! Au cas où c’est démontré, il faut saisir les coupables après en avoir établi les preuves et leur appliquer les sanctions qui se doivent. Le problème avec les artistes, c’est que tout est mis en spectacles ! On n’a pas besoin de scénariser le problème ! Chez nous, il y a trop de place donnée à l’émotion chaque fois que de façon froide on veut analyser les situations. Sinon le Burida ne va pas si mal que ça. Je n’aime pas cette ambiance de lynchage qui prévaut actuellement.
La DG Irène Vieira est décriée, le PCA Sery Sylvain est décrié. Dans ce cas, comment aller sereinement à la prochaine Assemblée Générale ?
Je laisse les instances gérer ça. Je n’ai pas de solutions à apporter. Moi j’ai constaté que je n’étais plus en mesure de faire ce pour quoi j’ai été élu délégué du collège des artistes interprètes au Conseil d’Administration. Je suis parti ! Il revient donc à ceux qui sont en charge encore de gérer ces faits-là. Je n’ai rien à dire !
Vous sentez-vous menacé aujourd’hui ? Quand vous évoquez les intimidations, est-ce donc l’ambiance de lynchage qui vous a poussé à partir ?
Je m’appelle Guillaume Konan, je suis Ivoirien, je vis dans mon pays. Personne ne peut m’intimider ! Les gens, quand vous n’allez pas dans leur sens, essaieront de vous tordre le bras ! Au Conseil d’Administration, certains pensaient que je tenais tellement à ce poste-là, mais la vérité est que je viens de démissionner ! Mon essence c’est la musique, je le répète. Je n’ai aucun problème avec des histoires de postes.