Debout-payé
De l’air, c’est bien ce qu’il m’a fallu pour ne pas étouffer de plaisir, mais surtout de trouble devant ce(s) récit(s) happés par quelque chose d’insaisissable, d’indicible, d’humain. Trois jours plutôt, j’hésitais à lire le Debout-payé de Gauz. Moi qui avale tout ce qui est beaucoup trop populaire avec la distance du pseudo-savant ; j’avais, pour la première fois, peur de ne pas aimer un livre que certains appréciaient trop sans même l’avoir véritablement ouvert puis lu. La foule commerciale !
Mais, j’étais loin de m’imaginer que Ferdinand, Ossiri et Kassoum me prendraient et me jetteraient dans le labyrinthe de l’identité qu’est cette France qui engouffrent ses presqu’habitants dans un communautarisme exacerbé. Le temps d’une lecture, je me suis senti à la fois français et étranger. Perdu dans ce flot de mots trop sincères pour n’être pas vrais. Envahi par l’enchaînement de phrases aussi brèves que sont nos vies. Noyé dans cette querelle entre carte et territoire, entre ces trois personnages et moi. A mi-parcours dans ce labyrinthe, je pris froid. Alors, je courus me réfugier dans une tasse de thé au citron et à la menthe. Puis, je me remis à marcher avec eux, tenant fermement ma tasse de thé dans la main. Là, j’avais moins froid.
Nous n’étions plus en France, mais dans notre village planétaire qui, à coups de mondialisation et de globalisation, avait réussi à transformer les humains en de simples et vulgaires marchandises de supermarché conservées dans le rayon « Fausses identités ». Et seul le vigile, toujours debout, attendant d’être payé, s’en était rendu compte.
Armand Gauz
Dans ce labyrinthe, Ferdinand, Ossiri, Kassoum, leurs nombreux amis et moi avancions en entendant simultanément deux refrains de chanteurs célèbres : Tiken Jah et Alain Souchon !
Ouvrez les frontières !
Ouvrez les frontières !
Laissez-nous passer !  
 
Oh là là ! la vie en rose
Les choses qu’on nous propose
D’avoir des quantités de choses
Qui donnent envie d’autres choses
Aïe, on nous fait croire
Que le bonheur c’est d’avoir
De l’avoir plein nos armoires
Dérisions de nous dérisoires…  
Au fur et à mesure que j’avance avec eux, je me rends compte de l’arnaque commerciale. Debout-payé n’est pas une histoire de vigile ; c’est un rire moqueur à l’endroit de notre société de consommation, c’est un pied-de-nez aux frontières de nos pays dessinées par des mains malveillantes, c’est un puzzle de vies et d’identités morcelées, émiettées, c’est un brouillard de voix et de voies qui se mêlent pour aller à la quête d’un Graal qui n’a jamais existé : l’Eldorado. L’Ossiri de Gauz m’a étrangement fait penser à la vie du Fama des Soleils des Indépendances et à la mort du Samba Diallo de l’Aventure ambigüe.
Trois jours plus tard, je refermai le Debout-payé de Gauz. Cependant, je marche encore et encore dans ce labyrinthe car, pour être sincère, je ne désire pas en sortir.
Serge A. , écrivain ivoirien.

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